Extraits de "L'Amour partagé"

(…) p. 11
La botanique lui est apparue comme un sujet passionnant : la vie des plantes, animées d’une énergie vitale inépuisable puisqu’elle a traversé toute l’histoire de notre planète, lui semblait miraculeuse. Petite fille, elle était longtemps restée subjuguée par une jeune pousse qui s’efforçait de déjouer tous les plans destructeurs. Dans la maison de Grand-père, un escalier séparait la terrasse du jardin. Dans le creux d’une marche, entre les pierres, une branche avec trois feuilles avait surgi. Sa tante l’avait arrachée. Une bouture était réapparue huit jours plus tard. Elle avait à nouveau été supprimée. Sa tante se plaignait, il faudrait atteindre la racine et pour cela démonter la marche. Grand-père trouvait inutile ce genre d’activité. Et la lutte continuait, de semaines en semaines, du printemps à l’automne. Un produit nocif avait été répandu, sans résultat. Il n’était pas inquiétant, pas trop dangereux, pour les chats et chien de la maison. Rage de la tante, bonheur de Claire devant l’obstination de la nature. La vie l’emportait sur la mort.

(…) p. 27
Le spectacle de la nature amène toujours une profonde réjouissance. Elle aime l’arbre, c'est probablement le plus bel élément apparu sur terre. Profondément ancré dans le sol, il garantit notre respiration. Il est le témoin de notre histoire. Dressé vers le ciel, tendu vers le haut pour mieux atteindre la lumière, il écarte ses branches pour permettre au feuillage de capter l’énergie solaire et assurer la photosynthèse. L'arbre produit les réactions chimiques qui le feront encore grandir et se répandre dans l’environnement.
Claire admire toujours la puissance du tronc. Elle reste passionnée par l'écorce, la peau protectrice des canaux intérieurs qui amènent la sève dans toute la frondaison. Elle aime observer l'épaisseur rugueuse, le dessin des sillons, les coloris tellement variés. Son admiration erre sur les nuances : gris clair, gris vert, gris brun, gris noir... Tonalités multiples, raffinées dans leurs déclinaisons. Un jour, peut-être, quand elle aura une grande maison, elle collectionnera des fragments d'écorce, recueillis sur les troncs tombés. L'arbre est beau, dressé dans toute sa majesté, solide avec les racines éparpillées autour de lui et profondément enfoncées dans la terre. Il symbolise quoi? La pérennité de la vie. Ce sont nos ancêtres. Peut-être seront-ils nos seuls descendants? Certains livres de science-fiction envisagent cette évolution.

(...) p. 29
Elle succombe à la jouissance, éblouie, étonnée aussi par les sensations multiples qui l’enveloppent. Dans l'esprit de Claire, tout s'efface. Dominée par des désirs puissants, elle accueille l'extraordinaire feu d’artifice. Que ce moment dure longtemps! Qu'il soit éternel! Elle se sent légère. Elle a perdu toute impression de matérialité. Seule existe cette immense vague foudroyante. Vague qui envahit, recouvre, transporte, pénètre sa chair et son esprit. Elle s'abandonne complètement, découvre avec étonnement, avec émerveillement aussi, ce qu'un corps peut vivre. Une nouvelle conscience s’éveille. Elle est passée dans un autre monde, dans un autre univers. La pesanteur physique a disparu, elle est absorbée dans une plénitude sensuelle unique.

(…) p. 67
Claire, avec une joie sensuelle, parcourt le dos d'Hubert. Les épaules rondes et vigoureuses, la base du cou plus tendre, l'emplacement des omoplates. Elle palpe la dureté osseuse. Ses mains insistent, compriment, impriment de lentes pressions circulaires. Ses doigts agiles suivent la colonne, descendent jusqu'aux fesses. Ici, le plaisir de Claire se fait plus intense. Sentir dans le creux de la main la robustesse des formes, pétrir les cuisses puissantes donnent à Claire l'impression de prendre possession du corps de son amant.
Alternativement, avec le bout des doigts et avec la paume ouverte et bien appuyée, Claire explore les différentes matières : muscles durs, parties osseuses, rondeurs fermes, chairs plus tendres, où peut-être un fin tissu graisseux s'est installé. Elle n'ose pas toucher au sillon profond qui sépare les fesses. Peut-être, un jour, sa langue se fera pointue pour le parcourir.
La crème onctueuse favorise le lent glissement des mouvements. Légèrement parfumée, elle n'efface pas l'odeur chaude et saine du corps. Claire a envie de fouiller les chairs d'Hubert avec ses mains, sa bouche et sa langue. Elle voudrait frotter toutes les parties de son corps sur lui. Se frotter, comme un petit chat, pour mieux le savourer, pour mieux partager ce moment de bonheur. Claire est heureuse. Caresser le corps d'Hubert lui prodigue des sensations exquises. Elle découvre l'exceptionnelle sensibilité de sa paume avide de perceptions. Elle estime que masser les formes d'Hubert, lui procure autant de jouissances que celles qu'elle lui offre.

(…) p. 147
Dès la première approche du Grand Canyon, Claire est subjuguée par l’ampleur du panorama et par l’encaissement des gorges déchiquetées. L’air particulièrement pur et transparent autorise une vision fantastique, spectaculaire du vertigineux gigantisme du canyon. Sur plus de deux milles mètres, le regard plonge pour admirer le relief des falaises. Les couches de couleurs différentes correspondent aux stades successifs de la formation géologique de la région. Sous le plateau supérieur constitué d’un calcaire blanc se superposent d’autres strates, des grès rouges intenses alternent avec le schiste argileux qui apporte des tonalités vert foncé. La paroi s’appuie à la base sur une épaisseur de granit rouge.
Le parcours capricieux des courbes multiples du fabuleux fleuve Colorado s'est creusé pendant plus de six millions d’années, dès le début de la formation du continent américain. Les strates de dépôts de calcaire et de grès ont été successivement érodées pour créer ce décor probablement unique au monde.
À plusieurs points de vue, Claire, profondément émue par la beauté du spectacle naturel, reste en contemplation de longs instants. Captivée, fascinée, elle se laisse imprégner par la splendeur du paysage.
- On a vraiment l’impression d’être ici au commencement de l’histoire de la terre. On assiste à la genèse, à l’époque où les puissantes forces naturelles ont forgé notre planète.
À chaque terrasse panoramique, de grands panneaux conçus spécialement pour les touristes donnent les indications nécessaires pour mieux comprendre le déroulement de la perspective. Claire et Hubert examinent les nombreuses photos et lisent attentivement les renseignements. Ensuite, ils s'efforcent de les reporter sur le site qui les entoure, pour mieux déchiffrer le parcours sinueux de l'eau, la forme des plateaux, l'emplacement des mines exploitées autrefois. La connaissance des lieux devient un jeu. Ils découvrent, ainsi successivement, dans les larges méandres du fleuve, des plages et des grottes naturelles qui ont servi d’habitations aux premières tribus indiennes. Des traces d’occupation ont été trouvées lors de fouilles archéologiques : empreintes d’irrigation pour la culture des légumes et des céréales indispensables, dessins rupestres, nombreuses poteries et vanneries.

(…) p .206
Au Metropolitan Museum, Claire souhaite une visite plus approfondie. Dans la section égyptienne, elle est séduite par la présentation très originale. Les sculptures en bois et en pierre, disposées en ordre chronologique, s’alignent dans une longue vitrine serpentant sur toute la profondeur d’une grande galerie. L’évolution des styles et des techniques se perçoit parfaitement. Claire s’attarde devant quelques oeuvres.
- Regarde, les corps sont généralement idéalisés, cependant les visages sont représentés avec une volonté de réalisme. La tête devient un portrait authentique, mis en valeur par un modelé très délicat. C'est pathétique! Pour survivre l’âme devait pouvoir reconnaître son double, symbolisé dans la reproduction de la physionomie du défunt.
- Certaines expressions paraissent contemporaines, observe Hubert. Celui-ci semble être la réplique exacte d'un de mes collègues. Même front buté, nez épais et lèvres charnues.
- Je suis très émue par ces représentations de couples de fonctionnaires. Devant cette statue en bois, as-tu remarqué le geste affectueux de l'épouse? Son bras entoure la taille de son compagnon? Ils devaient espérer se retrouver, ainsi, éternellement dans l'au-delà. Leur amour triomphant de la mort.
- Voudrais-tu aussi que nous soyons liés à jamais? Je préfère la position des couples étrusques, représentés sereinement étendus sur leur sarcophage, comme sur un lit moelleux, parfaitement suggéré dans la céramique.
- Je te reconnais. Tu recherche toujours la satisfaction de ton sexe.
Claire flâne en contemplation devant un fragment du visage en jaspe jaune d'une reine du Nouvel Empire. La sensibilité du modelé de la joue, le tracé délicat et ferme de la bouche gourmande révèlent une perception artistique d'une sensualité admirable.
Une salle, plongée dans une demi-obscurité, expose tout un petit matériel funéraire disposé dans un cadre restituant l'arrangement des sépultures. Il fait revivre les espérances de cette civilisation. Claire y retrouve l'angoisse humaine, la désespérance devant la finalité brutale, et l'espoir de prolonger indéfiniment les joies simples vécues sur terre.

(…) p. 250
Pendant le repos sous la petite tente, Alan s’est endormi. Claire regarde le corps bien musclé, parfaitement doré par le soleil. Un désir de caresses, de baisers l’envahit. Elle voudrait du bout des doigts effleurer Alan, explorer avec la paume de sa main, toujours si avide de sensations, la perfection des courbes. Elle voudrait promener ses lèvres, sa langue pour en savourer le goût légèrement salé, où sable et sueur s'agglutinent. Elle apprécierait les différentes textures de la peau, plus épaisse aux épaules et sur le thorax, plus douce et fine, sous les aisselles, dans le pli de l’aine et à l’intérieur des cuisses près du sexe. Elle aimerait cajoler ce sexe, toucher le soyeux de la peau du gland, lécher le frein, parcourir le bourrelet saillant, très délicat.
Claire se remémore leur vécu érotique. Elle est certaine que les premières étreintes ont constitué pour Alan un conflit déchirant. Claire avait souvent l’impression qu’il se reprochait de suivre passionnément les élans de son désir. Claire prit conscience qu’il avait toujours exercé, sur lui, un contrôle sévère. Dans leurs premières relations, son comportement retenu frisait le puritanisme. La plénitude de la jouissance de Claire lui donna un véritable choc. Il lui fallut quelques séances pour exploser dans un embrassement voluptueux plus audacieux.
Il devint un amant incomparable. Douceur et tendresse animaient tous ses gestes, toutes les inflexions de sa voix. Préoccupé uniquement du plaisir de Claire, il en oubliait quelquefois le sien. Il était souvent surpris par le gonflement suprême de son pénis, par les spasmes des muscles éjaculateurs. Chaque fois, le jaillissement du fleuve de vie au plus profond du corps de Claire le menait vers le paroxysme de la jouissance.

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