Première page de "L'Amour partagé"

Il avait réservé une table dans le coin discret d'un restaurant réputé. Il est assis face à elle, souriant, charmeur, menant une conversation plaisante. À la moitié du repas, il la regarde fixement et énonce une étrange proposition.
- Je cherche un ventre et un peu d’ADN.
Elle dépose son couvert, jette un coup d’œil rapide autour d’elle. L’atmosphère ouatée du restaurant n’a pas changé, elle perçoit les tables élégantes, les convives sérieux ou enjoués. Non, elle ne vit pas un cauchemar!
- Pardon, je ne crois pas vous avoir bien compris.
- Je pense m’être clairement exprimé. Je voudrais un enfant, que j’élèverai seul, sans les complications qu'apporte une femme.
Claire le regarde incrédule. Plaisante-t-il?
- De plus longues explications sont-elles nécessaires? Je vous ai choisie parce que vous correspondez au type de mère génitrice que je souhaite. Je ne demande pas une réponse immédiate, j’admets une dizaine de jours de réflexion. Bien entendu, une compensation financière est prévue. Je sais que vous êtes seule, sans appui familial.
Elle l’examine, retrouve son physique d’homme séduisant, son visage agréable, toujours assez sérieux. En suivant ses cours, Claire s’était fait une opinion excellente de ce professeur de biologie moléculaire, bon pédagogue, toujours calme et rigoureux, précis dans les explications, pratiquant tests et travaux avec une grande honnêteté intellectuelle. Claire l’admirait.
Et puis, brusquement, tout bascule. Après quelques secondes d’étonnement, l’image parfaite s’effondre. Elle ne correspond pas à la réalité. Le choc est violent. Une rage envahit Claire. Pour qui se prend-il? Qui est-il pour avoir de telles prétentions? Quelle conception des femmes! Une impression de dégoût, de mépris s’accompagne de nausées. Poursuivre le repas est impossible.
- Je voudrais rentrer.
- Ma proposition vous déplaît à ce point? Vous avez tort d’interrompre. Les desserts sont délicieux ici.
Comment peut-on manger quand on a envie de vomir?
- Non merci, je me sens horriblement fatiguée. Je voudrais rentrer chez moi.
- Bon, je règle tout et je vous reconduis.
Dans la voiture, elle est incapable de soutenir une conversation. Il désire un autre rendez-vous. Claire refuse.
- Non, je crois que c’est inutile.
Revenue chez elle après une glaciale salutation, elle se questionne. Comment a-t-il pu lui proposer ce marché? Quel comportement a-t-elle eu pour lui permettre une telle conduite? Effondrement de ses illusions, effondrement de sa confiance dans un maître qu’elle appréciait et respectait. (...)

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